(texte revu en date du 25/06/2017)
Ce qu'on peut retirer du buku ?
Peut-être une analyse
sociale (bien que ce domaine ne relève pas de l’expertise professionnelle
d’un écrivain public... même s'il fonde son analyse sur différentes
observations pertinentes d’activistes citoyens) ou un
« regard littéraire » et "kinois" sur les luttes sociales qui s’opèrent en RDC,
particulièrement sous le régime de Joseph Kabila... et la mise en
évidence de l’existence en RDC des classes sociales aux revenus, conditions et
modes de vie distincts, à savoir, au minimum :
LUTTES SOCIALES EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO -
QUELS SONT LES DIFFERENTS ACTEURS EN PRESENCE ?
1. Une
classe dirigeante improductive et mafieuse
En RDC, un groupe dominant
minoritaire [1] a confisqué le pouvoir, s’est approprié la chose
publique, fait main basse sur toutes les ressources du pays (avec le
concours de nombreux intérêts économiques extra-nationaux) et dépossédé le
peuple de sa souveraineté par le biais de "politiciens de métier",
souvent hors mandat, formellement "élus" dans le cadre d'élections
bidouillées.
Ces « politiciens de métier » grassement rémunérés (ministres,
députés, sénateurs, etc) relèvent de plusieurs factions à composition
variable : une soi-disant majorité constituée en "parti-Etat de fait" et une opposition croupion, parfois nzing-nzong ou
chauve-souris et souvent perdiémiste (habilement contingentée, neutralisée,
manipulée, emprisonnée ou savamment compromise et "entretenue »),
appelée à faire de la "figuration démocratique" au sein
d'assemblées-théâtres ou de "dialogues" prétendument inclusifs
servant, pour l'essentiel, à donner une apparence de légitimité ou
une façade de respectabilité au pouvoir arbitraire et absolu de quelques-uns…
chacun étant appeler à jouer le rôle qui lui est dévolu dans un « théâtre
de chez nous » commun.
Composées le plus souvent d’anciens associés devenus rivaux et concurrents,
ces différentes factions, en effet, s'entredéchirent férocement et se
disputent âprement l’accès à la mangeoire publique dans une "course
au pouvoir" ou une "danse ya ba boss" sans merci, une « guerre de territoires » entre gangs, une « querelle de
famille » fratricide… sans aucun véritable projet de société offert aux
citoyens, réduits à un rôle de spectateurs passifs et atterrés.
Cette classe dirigeante peut être définie comme une
bourgeoisie compradore dans la mesure ou les revenus
(élevés) et le mode de vie (très aisé) de ses membres est directement tributaire de la position qu’ils occupent dans
l’appareil d'Etat et qui leur permet de servir d’intermédiaires aux capitaux
étrangers.
Sous les régimes autocratiques de Mobutu Sese Seko
(une dictature classique avec le MPR, parti-Etat) puis de Joseph Kabila (une
pseudo-démocratie s'avérant être, en fait, une "dictature constitutionnelle" ou
une post-démocratie avec un parti-Etat "de fait", le PPRD), cette
classe dirigeante n’a pas réalisé de grands investissements productifs dans des
secteurs susceptibles de dynamiser l’économie congolaise (les infrastructures,
l’agriculture, le secteur manufacturier, etc)
Loin de se transformer, au fil des temps, en
bourgeoisie nationale émergente (commerçante, industrielle, etc),cette classe
dirigeante est, sous le régime de Joseph Kabila, devenue un groupe mafieux et
criminel :
- Opacité d’ importantes décisions prises par un cénacle occulte réuni (à
Kingakati ou ailleurs) autour d’un autocrate installé et maintenu au pouvoir
par des élections bidouillées
- Recherche de l’enrichissement personnel via, d'une part, le prélèvement systématique de « dîmes » sur
tous les projets mis en œuvre et, d'autre part, l’utilisation de l’appareil
d’Etat pour opérer les trafics les plus divers (fourniture de biens
ou de services prohibés [2]). Toujours en quête de profits immédiats ou à court terme, les membres de
cette classe dirigeante réalisent des « coups » (des gains rapides ou
quick wins), touchent des « commissions » ou font des
« cops » et ne soucient apparemment pas d’assurer le « développement
durable » de leurs activités prédatrices. Ils n’investissent pas leurs
« gains » et, de façon générale, ne se transforment pas en
entrepreneurs (sauf dans l’immobilier,
l’hôtellerie, l’industrie des loisirs, etc) ;
- Abolition (ou transgression systématique) de l’Etat de droit et
instrumentalisation de la justice : arrestations arbitraires, procès
« mascarades » (Katumbi) et emprisonnement des opposants (Diomi, Muyambo,
Diongo, etc…) et des activistes des mouvements citoyens (Christopher Ngoy, Fred Bauma, Yves Makwambala, etc), maintien en détention
d’opposants bénéficiaires d’une loi d’amnistie (Firmin Yangambi, Eric Kikunda, etc)
- Intimidation de la population et répression systématique de ses
manifestations de mécontentement par la force armée[3], massacres de la population à Kinshasa (charnier de Maluku), au Bas-Congo
(BDK), au Nord-Kivu (Béni), aux Kasaï (Kamuina Nsapu), élimination physique
d’opposants, et de défenseurs des droit de l’homme et de journalistes.
Les membres de cette classe dirigeante, improductive et mafieuse sont
considérés par l'oligarchie financière internationale, toujours omniprésente
dans les affaires congolaises (une oligarchie non plus seulement américaine et
européenne mais aussi indo-pakistanaise, libanaise, sud-africaine, japonaise ou
chinoise, etc) comme une "bande de péquenots rapaces et sans ambitions, de
villageois âpres et ringards, de minables dealers de banlieue" ou encore
comme des "prébendiers amateurs" qui s'avèrent "incapables de
réinventer leur business, de favoriser le libre-échange et de se développer à
l'international" et qui se contentent de se partager entre eux (et de se
disputer), sans royalties ni dîmes à verser à des parrains de la Communauté
internationale, sans contrôle interne ni interférences extérieures, les biens
publics de leur pays.
2. Une classe moyenne
émergente en développement (lent mais constant)
Longtemps malmenée par le régime de Mobutu
(dissolution de l' Aprodeco, mise en oeuvre d'une processus de "radicalisation" réduisant à néant les effets positifs qu'on pouvait attendre de la zaïrianisation, etc) qui ne supportait
pas qu'un pouvoir économique puisse s'affirmer en dehors du pouvoir politique,
une classe moyenne émerge dont les revenus (en général élevés et réguliers) et les conditions et le
mode de vie (modernes et confortables) ne sont pas directement liés à la place
qu’occupent ses membres dans l’appareil d’Etat.
Cette classe moyenne s’estime cependant bridée dans
son essor par la malgouvernance, les ponctions, les rackets et les empiètements
du pouvoir politique.
Appartiennent à cette classe moyenne supérieure les dirigeants et cadres
supérieurs des entreprises (exploitants industriels, agricoles et miniers,
commerçants en gros et/ou actifs dans l’importation et l’exportation, transporteurs, directeurs d’écoles et de cliniques
privées, hôteliers et restaurateurs) et des banques commerciales, les
patrons de "grandes PME", les membres de professions libérales, les
professeurs d’université, les membres du haut-clergé, les grands chefs
coutumiers.
Cette classe moyenne émergente est, à l'heure actuelle, régénérée et
aiguillonnée par de nouvelle générations d'acteurs particulièrement exigeants
:
- Les jeunes entrepreneurs
« repats » (rapatriés de la diaspora, très qualifiés,
envoyés faire des études en Europe et en Amérique par des parents appartenant à
la classe dirigeante ancienne ou actuelle), créateurs de
startups et avides de modernité
- les jeunes activistes citoyens, souvent de niveau
universitaire (mais d'origine diverse : issus de la classe moyenne mais aussi
parfois des classes populaires) et remarquables pour leur maîtrise des nouvelles
technologies de l’information (permettant de contrer la propagande et les
mensonges d’Etat), leur panafricanisme militant et l’intérêt qu’ils manifestent
pour les problèmes locaux des gens (qu'ils peinent cependant à mobiliser) et
les causes sociales : l’accès à l’eau potable et à l'électricité, l’éclairage
public, la salubrité publique et la gestion des déchets, la lutte contre les
têtes d’ érosions, etc.
Les uns et les autres aspirent au changement et à
l’établissement d’une démocratie classique, favorable au développement des
activités économiques et respectueuse des droits de l'homme.
3. Une classe moyenne
inférieure frustrée
La classe moyenne "inférieure"est la seule
classe à laquelle pouvaient prétendre les "élites" nationales sous
l'occupation coloniale. Elle est, partant, la classe dont sont issus les
politiciens qui ont lutté pour l'Indépendance et qui ont remplacé la classe dirigeante étrangère.
Appartiennent à la classe moyenne "inférieure", les petits propriétaires de moyens de production
(planteurs, éleveurs et techniciens indépendants), les petits commerçants, les
petits fonctionnaires, les enseignants du primaire et du secondaire, les
personnels des services de santé, les cadres inférieurs, clercs, secrétaires,
comptables et employés des entreprises, les petits chefs coutumiers (chefs de
groupement, chefs de terre, chefs de clan, chefs de villages), les officiers
subalternes de l’armée et de la police, le bas clergé, les dirigeants syndicaux…
Les revenus de cette classe moyenne
« flottante » ont, depuis les années 1980, considérablement baissé tandis que les
conditions et le mode de vie de ses membres (habitat, accès à l’emploi, à la
santé, à l’éducation, à l’eau et à l’électricité) tendent à s’aligner sur celui
des classes populaires.
En voie de paupérisation ou, pour le moins, en déclin considérable par
rapport aux années "fastes" de la fin du régime colonial (1955/1959),
de l'Indépendance (1960/1964) et des débuts du mobutisme (1965/1973), la classe
moyenne inférieure, après avoir porté et/ou soutenu Mobutu au pouvoir, espère maintenant en
l'arrivée d’un nouvel "homme providentiel"... tel qu'était perçu Etienne
Tshisekedi avant sa mort (co-fondateur de l' Udps mais aussi, on aurait tendance
à l'oublier, du MPR, parti-Etat) ou tels que se présentent à présent un Moïse
Katumbi voire un Vital Kamerhe ou un Sindika Dokolo... un homme qui pourrait
mettre fin au désordre, « relancer le pays » et rétablir la classe
moyenne inférieure dans les avantages sociaux et économiques qui ont été les
siens à l’époque coloniale et sous le régime de Mobutu.
4. Des classes populaires négligées et marginalisées
Les revenus monétaires des classes populaires sont peu élevés, leur
conditions d’existence laissent beaucoup à désirer (habitat peu salubre
ou précaire dans des quartiers peu ou mal urbanisés, un accès réduit aux
services de santé et au système d’éducation), Elles constituent l’immense majorité de la population mais
ne disposent pas, jusqu’à présent, d’organisations bien structurées
(mis à part quelques syndicats, associations, coopératives, tontines ou
likelemba) qui défendent leurs intérêts et qui soient gérées par elles.
Ces classes populaires sont, dans leur ensemble, exploitées, pressurées
(rackettées ou "tracassées") et privées de leurs droits légitimes
(au travail, à la santé, à l'éducation, au logement,à l'eau, à
l'électricité, à la propriété, à la sécurité,aux loisirs, à la liberté de
réunion, de déplacement et de manifestation, à l'expression libre de leurs
opinions et à la représentation politique à travers leurs propres
organisations).
Bien que tout classement soit artificiel, arbitraire
et/ou approximatif, on distinguera, parmi les classes populaires, les
catégories suivantes :
4.1. les travailleurs salariés sous
contrat ou sans contrat oeuvrant dans différents
secteurs (manufactures, mines, chantiers navals, transports, services,
agriculture, missions et plantations, etc) :
- Les travailleurs sous-contrat sont placés sous la
protection toute relative du code du travail. Ils disposent de revenus médiocres mais réguliers,
d’une relative stabilité de l’emploi, d’un accès relatif à la santé et à
l’éducation et du droit de se syndiquer et constituent en quelque sorte une
espèce d’« aristocratie populaire ». Leurs syndicats,
"neutralisés" par le régime de Mobutu (création d'un syndicat unique,
l'Untza, inféodé au MPR, parti-Etat ) commencent à retrouver une certain
combativité.
- Les travailleurs sans contrat écrit vivent « au taux du
jour ». Tel est trop souvent le cas, en transgression de la loi, des
portefaix des minoteries, des chambres froides et des dépôts de ciment, des
brasseries et des boulangeries, du personnel domestique (cuisiniers,
lavandiers, nounous, gardiens ou jardiniers), des porteurs et bagagistes, des gardiens de parkings, des sentinelles de magasins, des apprentis d’artisans
et de la main d’œuvre familiale et des autres travailleurs à statut précaire,
journaliers ou intermittents
4.2. les opérateurs du secteur informel exerçant de nombreuses activités dans
différents sous-secteurs n’intéressant pas l’économie capitaliste
dominante : petit commerce de détail,
petite restauration, fabrication de charbon de bois, exploitation de carrières
et de mines, pompes funèbres, églises "du réveil" et sectes de différentes obédiences, exploitation de petits moyens de transport de personnes ou de choses (taxibus, taxis, taxi-motos, pousse-pousse confiés en "métayage" à un chauffeur, un wewa ou un tireur de pousse-pousse), ateliers de réparation en tous genres (dépanneurs en
informatique, réparateurs de téléphones et de téléviseurs, réparateurs de
frigos et de climatiseurs), petits garagistes (entretien des véhicules et réparations mécaniques), petits travaux de
construction, salons de coiffure, ateliers de couture
De nombreux opérateurs du secteur informel sont artisans et
« ouvriers indépendants », travaillant à la tâche : menuisiers, charpentiers, électriciens, plombiers, fabricants de meubles,
matelassiers, ferronniers, briquetiers, maçons, carreleurs, peintres et
plafonneurs.
Plusieurs d’entre eux sont d’ anciens travailleurs salariés ayant perdu leur
emploi, s’étant établis à leur compte et ayant créé une micro-entreprise
utilisatrice de main d’œuvre (souvent familiale) très réduite
D’autres exercent avec beaucoup d’ingéniosité toute une série de
"petits métiers" d'appoint ou de survie : orpailleurs-forçats
et creuseurs de galeries dans les carrés miniers, cordonniers de rue, cireurs de chaussures, coiffeurs de rue (spécialistes du zigzag sur le crâne), tresseuses, bana vernis et
placeurs de faux cils, petits commerçants à vélo ou à moto, batu ya cyber, batu
ya photocopieuse et batu ya moulin, vendeurs d’appareils électroménagers au
Zando ya munene ou au Marché de la Liberté, vendeuses de pain, de mikate, de
nguba ya mobesu, de viande, de poisson, de farine de manioc, de fruits et de
légumes, de souliers d’occasion et de mapapa, de pantalons, de jeans, de
chemisiers et de corsages, de tee-shirts et de chemises neuves ou de tombola
bwaka, vendeuses de "pagnes de Brazza" au marché Magenya du beach Ngobila,
fabricants d’enseignes, de cachets officiels ou privés, de documents d’identité
et de visas, vendeurs de makasu, d’aspirines et de racines aphrodisiaques à la
sortie des bars, ligablistes, tenancières de nganda , de malewa ou de terrasses
terrasses (à Bandal ou le long du Boulevard Kimbuta à N’Djili, par exemple),
vendeurs de journaux et de cartes de téléphone prépayées (et de boissons
énergétiques... supposées aphrodisiaques), tenanciers de cabines (où les
clients peuvent laisser leurs portables à la charge), cambistes-bongolateurs,
réparateurs de billets de banque usagés et changeurs de « coupures
de la mort » contre des billets neufs ou en bon état, shayeurs des
terrasses, femmes kadhafi de Binza Ozone qui s’installent au bord de la route
et revendent du carburant au détail, kuluna reconvertis en katakata installés à
la sortie des chambres froides et qui découpent à la machette les
poulets, la viande ou les poissons surgelés, vendeurs d’eau potable,
vendeurs de "noix" de diamba ou de cigarettes « spéciales » déjà
roulées, passeurs d’eau qui portent les gens sur leur dos, « casseurs de cailloux » dans les
carrières, « glaneurs » et récupérateurs tels que les
fabricantes de « diata » (un fufu de dernière catégorie
fait à partir de déchets et d'épluchures de manioc) ou les
revendeurs de « bottes » d’os de poulet récupérés chez des fabricants
de « charcuterie » à Kingabwa, etc
4.3. les exploitants ruraux
traditionnels (agriculteurs, pêcheurs, forestiers, etc) dépossédés de
leurs moyens de production et constituant une classe sociale « à
l’abandon ».
Jadis arrachés à leurs coutumes, croyances et valeurs, intégrés de force à
l’économie capitaliste coloniale, dépossédés de la maîtrise de leurs moyens de
production par les lois léopoldiennes (confirmées par les lois ultérieures : loi
Bakajika, etc) et contraints d’abandonner leurs techniques traditionnelles de
production, de transformation, de conservation, de consommation et de
commercialisation, les habitants des campagnes, des fleuves, des lacs, des
rivières, des montagnes et des forêts ont pendant longtemps été encadrés, de
façon "féodale" et/ou quasiment militaire, par les administrateurs coloniaux, les planteurs,
les missions (et leurs épigones nationaux), assujettis à des cultures
obligatoire et mis au service d’une économie de type colonial.
A présent, les exploitants ruraux traditionnels ne bénéficient d’aucun
effort public sérieux de relance et sont totalement abandonnés à leur
sort tandis que les ressources naturelles du pays (ses mines, ses forêts,
ses terres cultivables, ses ressources hydrauliques et énergétiques) sont
exploitées sans contrepartie pour la population locale par des entreprises
étrangères et/ou des groupes agro-industriels[4]
Les revenus des exploitants ruraux traditionnels sont extrêmement bas et leurs conditions de
vie particulièrement précaires : faible niveau de scolarisation des
enfants et de la couverture en soins de santé, accès réduit à l’énergie et aux « produits de première
nécessité ».
Les exploitants ruraux traditionnels pâtissent également d’une insécurité généralisée
(rackets opérés par les FARDC, la police, l’ANR et les groupes armés,
rébellions, jacqueries et répressions) et ont perdu la plupart de leurs repères sociaux et politiques traditionnels (nomination de chefs coutumiers illégitimes par chacun
des pouvoirs autocratiques en place : la colonie, le MPR ou le PPRD) ,
etc).
4.4. un vaste sous-prolétariat urbain d’exclus du marché de travail ou de marginaux, réputés ne pas avoir de conscience de classe et être incapables d'une lutte politique organisée (mais d'être capables, cependant, de "violents mouvements d'humeur", de nature éphémère, souvent manipulés et difficilement contrôlables: émeutes, pillages, etc) :
chômeurs sans diplôme et diplômés-chômeurs, infirmes et personnes handicapées,
travailleurs ayant perdu leur emploi, exploitants agricoles chassés de leurs
terres coutumières, jeunes ruraux venus s’installer en ville pour échapper à la
pauvreté et vivant aux crochets de parents plus ou moins proches, déplacés
ayant fui l’insécurité, anciens salariés devenus retraités sans pension de
retraite (ou touchant épisodiquement une pension d’un montant dérisoire),
soldats ou membres de groupes armés démobilisés, creuseurs expulsés des concessions minières...
Parmi ces exclus figurent évidemment un certain nombre
d'entremetteurs, combinards et petits commissionnaires, prostituées parfois mineures (les petites Kadogo qui surmontent leur dégoût et abordent les grosses bedaines friquées avec un "courage ya Bana Boudin", les "Petites 207" qui doivent remette un "versement" en fin de journée à des parents-maquereaux),trafiquants et
« kuluna », pickpockets et voleurs à l’arraché (au marché ou en
pleine rue, à moto), revendeurs de câbles en cuivre de la Snel ou de tuyaux et
de conduites de la Regideso, passionnés d’arts martiaux ou
« pomba » recrutés par l’ANR comme casseurs de manifestations ou
briseurs de grèves
Les revenus des membres de ce sous-prolétariat sont très limités et leurs
conditions de vie sont, en général, particulièrement précaires (habitant des
logements insalubres ou, quelquefois, menacés par des têtes d’érosion,
disposant d’un accès réduit ou nul à l’eau et à l’électricité, aux soins de
santé et à l’éducation).
5. Et pour conclure ?
Tous les acteurs sociaux autres que la classe dirigeante aspirent au changement, au rétablissement de l'Etat de droit et à la
cessation des trafics et des actes de brigandage en tous genres (trafics et
brigandages sécuritaires, policiers et militaires, trafics et brigandages
judiciaires et pénitentiaires, trafics et brigandages constitutionnels,
électoraux, politiques et législatifs, trafics et brigandages économiques et
financiers, trafics et brigandages sociaux et culturels, mensonges d'Etat et
désinformation de la population) qui caractérisent la gestion de la chose
publique par la classe dirigeante au pouvoir. Tous refusent le
"glissement" opéré par le régime en place et réclament qu'il soit mis
fin à l'infernale cours au pouvoir des membres de la classe dirigeante
("majorité" et "opposition") qui ne cherchent qu'à
conserver leurs prébendes et à s'approprier (ou à se ré-approprier) des parts
du butin.
L'alternance proposée par certains risque cependant de n'être rien d'autre
qu'une greffe opérée par la classe dirigeante pour assurer sa survie et sa perpétuation (après un imposteur, la population de la RDC se
verra-t-elle proposer, comme nouveau président, un cow-boy du néo-libéralisme, un
"fils de son père", un condamné de la CPI, un caméléon "voleur
de femme de musicien" ou un Jared Kushner propulsé par l'Angola
voisin ?) et, dans le poto-poto électoral ou référendaire en
préparation, les classes populaires se verront, demain comme avant, exclues des
systèmes de répartition des avoirs et des pouvoirs.
Aspirant à la satisfaction de leurs besoins
fondamentaux, les classes populaires sont
certes au bord du soulèvement mais, inorganisées, elles risquent de
s’accommoder temporairement de toute forme de changement d'apparence
« radicale » (qui,hélas,n'améliorera sans doute pas leurs conditions
d'existence) : le remplacement d’un
autocrate par un autre, un mouvement politico-religieux (BDK[1]), une insurrection armée (on se rappellera du soulèvement populaire initié par Pierre Mulele après l'Indépendance ou, à l'époque coloniale, de Matemo, chômeur de la CK affrontant l'agent territorial Balot... et de la "révolte des Pende" qui s'ensuivit), une jacquerie paysanne visant à restaurer le
pouvoir coutumier (Kamuina Nsapu), un coup d’Etat des "forces de
l'ordre" et des services de sécurité, voire une invasion
"amicale" de pays étrangers se disant en droit d'exercer leurs
"devoir d'ingérence" , de "se porter au secours de leurs
ressortissants " ou de "mettre fin à une situation inacceptable à
leurs frontières".
Faute d’organisations bien structurées qui
défendent, à long terme, les intérêts des classes populaires (ceux des
travailleurs salariés, des opérateurs du secteur informel, des exploitants
ruraux traditionnels et du sous-prolétariat urbain) et qui soient gérées par
elles, le changement viendra sans doute,
dans un premier temps, des nouvelles générations d'acteurs
de la classe moyenne : les jeunes
entrepreneurs « repats » et les mouvements d'activistes citoyens.
[1] Appartiennent
à cette « classe dirigeante » (à l’heure actuelle et
sous le régime de Joseph Kabila) :
- les personnes qui constituent le « pouvoir en place », à savoir
le président de la République (qui fixe la répartition des charges, octroie et retire
les faveurs, perçoit sa dîme) et tous ses proches : membres de la
fratrie (manche courte et manche longue), épouses et
courtisanes, d'innombrables oncles ou tantes ou cousins plus ou moins
proches, un « entourage » d'assistants techniques et de mercenaires
comprenant le dircab et les membres du cabinet, les chefs des
« maisons » civile et militaire, un ou plusieurs conseillers
dits "spéciaux" et différents autres maniganciers qui gravitent
autour de la présidence : conseillers-féticheurs, philosophes-conseils et
conseillers-pasteurs, un directeur financier du cabinet, des comptables
et gestionnaires de fonds secrets, etc
- les politiciens de métier (appartenant aussi bien à l’ « opposition
parlementaire » qu’à la « majorité présidentielle
») : sénateurs, députés nationaux et provinciaux mal « élus »,
lors d’élections sujettes à caution (et généralement hors mandat), ministres
nationaux ou provinciaux aux ordres du pouvoir en place
- les cadres supérieurs de la Force publique néocoloniale (officiers généraux et supérieurs des FARDC et la
Police et, plus particulièrement, hauts gradés de la GR, de la LENI, de la
police militaire et de la justice militaire) qui ont pour mission
principale de protéger les « autorités » (leurs personnes, biens,
immeubles et familles) et de réprimer les mouvements de mécontentement
populaire; officiers et administrateurs placés à la tête des
« services » de renseignement (l’ANR, la Demiap rebaptisée
« Renseignements militaires », la DGM) et autres « analystes,
scénaristes et maniganciers de coups tordus » attachés à la
présidence ou à la primature
- les cadres supérieurs du secteur public ayant fait allégeances au pouvoir
en place : autorités territoriales, dirigeants de la Banque Centrale du
Congo, dirigeants d’entreprises publiques, chefs de missions diplomatiques à
l’étranger, hauts-fonctionnaires, hauts-magistrats… et certains professeurs
d'université (et, plus particulièrement, de nombreux juristes dévoyés étant devenus des conseillers
courtisans: Evariste Boshab, Néhémie Mwilanya , etc),
- les cadres supérieurs du secteur privé inféodés au pouvoir en place:
dirigeants ou gérants d’entreprises privées détenues majoritairement pas des
actionnaires extra-nationaux mais dont les activités sont
« couvertes » par certains membres du groupe dominant minoritaire,
hauts dignitaires de différentes religions subventionnées par le pouvoir en
place et/ou contrôlées par les services de sécurité, etc
Les membres de ce groupe dominant minoritaire sont
particulièrement « visibles » et « tapageurs ».
Ils disposent de revenus considérables (salaires, perdiems, indemnités et
primes sur fonds publics, « dîmes » et rétro-commissions, ponctions
opérées sur la population et les opérateurs socio-économique des secteurs
d’activité qu’ils contrôlent, gains rapides produits par différents trafics) et
adoptent un mode de consommation arrogant, frénétique et ostentatoire (faisant
étalage avec arrogance de leur opulence, exhibant volontiers des signes
extérieurs de richesse qu’ils se plaisent à « montrer » :
véhicules de luxe, montres de luxe, parures et habits de luxe, fêtes
fastueuses).
Ils se déplacent en 4x4 climatisées, rutilantes, aux vitres fumées (en
compagnie de gardes du corps armés) et habitent de somptueuses villas dans les
quartiers dits résidentiels et bien éclairés de quelques grandes villes (la
République de la Gombe ou le quartier Mont-Fleury dans la commune de Ngaliema,
à Kinshasa, etc).
Ils ont accès aux meilleurs soins de
santé et leurs enfants fréquentent les meilleures écoles (à l’étranger
ou au pays : école française, école belge ou autres écoles « internationales »).
[2] Différents
trafics, "protections", affaires juteuses et autres actes de
brigandage économique, social et culturel: détournements de fonds publics, surfacturations, opérations
retour et blanchiment d'argent, fraudes à l’impôt et trafic d’exemptions
fiscales au bénéfice de multinationales, contrebande et trafics d'armes, trafic
de médicaments, trafic de marchandises avariées, trafic de passeports, de papiers
d’identité et de cartes d'électeurs, trafic de charbon de bois, trafic d’enfants à adopter, trafic de
bois rares et de minerais précieux, abattage d'espèces "en danger",
prospection pétrolière dans les parcs naturels, expropriation des paysans de
leurs terres ancestrales, trafics de pétrole, de minerais rares, d'objets
d'art, de terres arables, de bois précieux, d'espèces en voie de disparition
et de travailleurs sans protection sociale (creuseurs, servantes,
prostituées, chauffeurs, débardeurs, revendeurs, poussateurs, porteurs et
ouvriers journaliers, etc), reventes d'armes, de munitions, de valises
satellitaires, d'uniformes, de jeeps et même de véhicules blindés à des groupes
armés, trafics d'espèces animales, trafics de drogue, trafics de produits ionisants,
exportations frauduleuses de café, de minerais précieux et de bois rares,
importation de maïs avarié, de poisson pollué, toxique ou aromatisé aux
hydrocarbures, de miel israélien, de volailles brésiliennes ou de tilapias
chinois contaminés par des antibiotiques ou des nitrofurannes, mise sur le
marché de lots douteux ou de cargaisons qui auraient dû être déclarés
impropres à la consommation (présence de fragments de verre dans des
confitures de marque “Everyday” ou d'arsenic dans des sacs de riz importés),
mise en vente de « produits de première nécessité », mâchoires de
vache, carcasses de porc ou de poulet, tombola bwaka et médicaments avariés,
lits d'hôpitaux, autobus et locomotives de seconde main, voitures
« occasions d'Europe » normalement interdites à l'importation mais
débarquées au port de Pointe-Noire et ayant fait leur entrée en RDC par les
postes frontaliers de Luozi…
[3] La violence armée est exercée sur la
population par une Force publique néo-coloniale, dont les capacités de
répression au service de la dictature ont régulièrement été renforcées par
différentes actions (formation, entrainement, équipement) de
« coopération » bilatérale ou multilatérale (Belgique, Etats-Unis, Union européenne, Israël, Corée du Nord, etc). Cette Force
publique comprend notamment les FARDC, la Police et les
"services" et, plus particulièrement, les Bana Mura de la GR, la
LENI, la Police militaire, la Demiap (rebaptisée Renseignements Militaires) et
l'ANR
[4] La classe des exploitants ruraux
traditionnels se trouve à présent complètement marginalisée et bousculée
dans ses fondements : insuffisance d’intrants agricoles, difficultés
d’évacuation et de commercialisation, concurrence des produits vivriers
importés et de la production de masse des groupes-agro-industriels (au détriment de l'agriculture familiale et de la sécurité alimentaire en milieu rural), dégâts
causés à l’environnement par les grandes entreprises minières, pétrolières ou d'exploitation halieutique ou forestière concessionnaires
(captation des ressources hydrauliques, pollution des lacs et des rivières,
destruction des forêts, etc).
Exemple : comme auparavant (sous le régime de Mobutu Sese Seko) le domaine de la N’Sele ou le projet de
Kanyama-Kasese, la construction du parc agro-industriel de
Bukango-Lonzo a été décidée sans aucune consultation préalable des exploitants ruraux traditionnels (relégués dans
les bidonvilles de la périphérie de Kenge ou de Kinshasa ?) et sans se
soucier ni du sort des femmes maraîchères de la périphérie de la ville de
Kinshasa, ni de celui des petits fermiers et éleveurs locaux de bétail et des
commerçants-transporteurs locaux de produits vivriers.
[5] La secte Bundu dia Kongo de Zacharie Badiengila mieux
connu sous le nom de Ne Muanda Nsemi (actuellement "évadé" et/ou, peut-être,"liquidé" par l'ANR) a fait l’objet d’une répression féroce
mais continue de se manifester à Kinshasa et dans un pays Kongo connu pour son
esprit de résistance à tout ce qui est considéré comme oppresseur ou
déculturant (qu’il s’agisse d'un pouvoir colonial, d'un "gouvernement
central" ou d’une religion d'origine étrangère), le pays de M’Fumu Nkusu
Kiambu, l’homme des ancêtres, fondateur d’une « Eglise des Noirs »,
appelée Vuvamu, soucieux de parachever l’œuvre de M’Fumu Kimbandu en boutant
hors du Kongo le christianisme, une religion « venue
d’ailleurs »… ou encore de Kaniamange Atoli Mbala et de ses compagnons
qui, en date du 12 novembre 1994, mettaient le feu à une croix de 6,65 mètres
de haut... qui aurait été plantée au XVe siècle (?) à Mbata Kulunsi, à 150 km de Kisantu.
Ndlr : Vous êtes perdu(e)s ?
Et vous vous demandez où trouver un plan de la ville, un menu de la semaine ou une table des matières quelconque… et comment avoir accès à chacune des différentes séries de séquences du buku « sorciers, services et crapuleux » ?
|